La faim sévère resserre son étau au nord de l’Éthiopie, a alerté vendredi le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies, rendant public une nouvelle évaluation de la sécurité alimentaire qui confirme les « pires craintes » des organismes humanitaires présents sur le terrain.
NEW YORK, USA, le 28 Janvier 2022,-/African Media Agency (AMA)/-Après 15 mois de conflit, près de 40% des Tigréens souffrent d’un manque extrême de nourriture. Parallèlement, l’agence onusienne estime que 9 millions de personnes dans les trois régions du nord touchées par le conflit ont besoin d’une aide alimentaire humanitaire, soit le nombre le plus élevé à ce jour.
« Cette sombre évaluation confirme une nouvelle fois que les habitants du nord de l’Éthiopie ont besoin d’une aide humanitaire renforcée, et ce dès maintenant », a déclaré dans un communiqué, le Directeur régional du PAM pour l’Afrique orientale, Michael Dunford.
Dans la seule région éthiopienne du Tigré, l’enquête auprès des ménages a révélé que plus de 80% de la population interrogée sont en situation d’insécurité alimentaire.
« Le PAM a mené une évaluation de la sécurité alimentaire dans le Tigré pendant la récolte principale en novembre 2021, en interrogeant plus de 980 familles dans toute la région sur leur situation alimentaire et nutritionnelle », a déclaré lors d’un point de presse régulier de l’ONU à Genève, le porte-parole du PAM, Tomson Phiri.
Les denrées alimentaires se raréfient au Tigré
En termes de nutrition, l’enquête a révélé que 13% des enfants tigréens de moins de 5 ans et la moitié des femmes enceintes et allaitantes souffrent de malnutrition. Cette situation entraîne de mauvaises issues de grossesse, un faible poids à la naissance, des retards de croissance et même des décès maternels.
En octobre 2020, avant le conflit, plus de 90% des habitants du Tigré ont déclaré avoir peu ou pas du tout souffert de la faim. Aujourd’hui, moins de la moitié peut en dire autant (45%).
« Les familles ont dit à nos équipes qu’elles avaient épuisé tous les moyens pour se nourrir, les trois quarts de la population ayant recours à des stratégies d’adaptation extrêmes pour survivre », a-t-il ajouté.
Les denrées ne sont plus disponibles et les familles se nourrissent presque exclusivement de céréales, tout en limitant la taille des portions et le nombre de repas par jour, afin d’étirer la nourriture disponible.
Dans la région voisine d’Amhara, la plus touchée par les récents combats entre les Forces armées éthiopiennes et les Forces du Tigré (TF), la faim a plus que doublé en cinq mois. Plus de 14% des enfants de moins de cinq ans et près d’un tiers des femmes enceintes et allaitantes souffrent de malnutrition dans cette province.
La situation est identique dans l’axe de la région d’Afar, à l’est du Tigré, où les déplacements dus au conflit font augmenter les taux de faim et de malnutrition. Des données récentes de dépistage sanitaire montrent que les taux de malnutrition chez les enfants de moins de 5 ans s’élevaient à près de 30%, soit bien au-dessus du seuil d’urgence standard de 15%. © PAM/Claire NevillUne mère déplacée cuisine pour sa famille à Afar, en Éthiopie.
Toujours des difficultés à atteindre certaines zones isolées par le conflit
Comme pour aggraver le sort des personnes vulnérables, l’intensification du conflit à la frontière entre le Tigré et l’Afar ces derniers jours devrait contraindre « davantage de communautés à quitter leurs foyers et à sombrer davantage dans la faim ».
Selon le PAM, les familles touchées par la crise dans le nord de l’Éthiopie ont reçu en moyenne moins de 30% de leurs besoins caloriques au cours des derniers mois, aggravant ainsi la crise.
Cette situation devient de plus en préoccupante alors que l’accès continue à rester un défi.
Selon le PAM, aucun convoi n’a atteint le Tigré depuis la mi-décembre 2021, même si l’accès au Tigré s’était amélioré pendant l’été. Cela a ainsi permis « de tenir à distance la famine pour les personnes qui avaient été privées d’aide avant le mois de mai 2021 ».
D’une manière générale, les combats et l’insécurité font que le PAM et les autres acteurs humanitaires ont du mal à atteindre les zones isolées par le conflit, dans des conditions qui mettent en danger la sécurité du personnel et des fournitures humanitaires.
Selon l’ONU, encore plus de gens fuient les combats autour de la ville d’Abala, dans la province d’Afar, près de la frontière avec la province du Tigré. Les affrontements empêchent aussi la fourniture de l’aide par la seule route ouverte vers le Tigré, aucune fourniture n’étant arrivée depuis la moitié du mois de décembre.
Pénurie de fournitures, de carburant et d’argent liquide
Nous avons besoin que toutes les parties au conflit acceptent une pause humanitaire et des couloirs de transport formellement convenus, afin que les fournitures puissent atteindre les millions de personnes assiégées par la faim
Malgré les défis sécuritaires et logistiques, le PAM a apporté une aide alimentaire et nutritionnelle à près de 4 millions de personnes dans le nord de l’Éthiopie depuis mars 2021.
Pour toutes les organisations onusiennes, l’aide continue à s’intensifier dans les zones accessibles d’Amhara et d’Afar. Plus de 523.000 personnes ont reçu de la nourriture à Amhara, la semaine dernière et depuis le mois d’octobre dernier, quelque 3,2 millions d’hommes, de femmes et d’enfants ont reçu une aide.
Dans la province d’Afar, près de 380.000 personnes ont été concernées par la dernière distribution de nourriture.
« Nous avons besoin que toutes les parties au conflit acceptent une pause humanitaire et des couloirs de transport formellement convenus, afin que les fournitures puissent atteindre les millions de personnes assiégées par la faim », a plaidé le porte-parole du PAM.
Au Tigré, les Nations Unies et leurs partenaires humanitaires ont même été forcés de réduire encore d’autres opérations, compte tenu de la pénurie de fournitures, de carburant et d’argent liquide.
Les organisations humanitaires ont prévenu que les opérations pourraient cesser complètement d’ici la fin de ce mois. Les stocks de produits nutritionnels pour compléter les aliments et traiter les cas de malnutrition grave aigue sont déjà épuisés.
Distribué par African Media Agency (AMA) pour ONU Info.