New York, USA, le 27 Mars, 2023/African Media Agency(AMA)/Il existe des motifs raisonnables de croire que des migrants ont été réduits en esclavage dans des centres de détention officiels ou des « prisons secrètes », et que des viols ont été commis en tant que crimes contre l’humanité, ont indiqué lundi des enquêteurs de l’ONU.
Dans son rapport final publié ce lundi à Genève, la Mission d’enquête indépendante des Nations Unies sur la Libye note qu’il y a des motifs raisonnables de croire que le viol en tant que crime contre l’humanité a été commis dans les lieux de détention de Mabani, al-Shwarif, Zuwarah, Sabratha, Sabha et Bani Walid. Les enquêteurs de l’ONU se sont entretenus avec de nombreux survivants et témoins de viols.
« Il y a des motifs raisonnables de croire que le crime contre l’humanité d’esclavage sexuel, non signalé auparavant par la mission, a été commis dans les centres de trafic de Bani Walid et Sabratah pendant le mandat de la mission », ont conclu les enquêteurs, relevant se baser sur une évaluation holistique de tous les éléments de preuve recueillis.
Migrantes régulièrement violées
Selon le témoignage d’un migrant détenu dans les centres de Maya, Ayn Zarah et Gharyan, « sa préoccupation n’était pas de mourir dans les eaux de la Méditerranée, mais de retourner à la prison où les réfugiés et les migrants sont opprimés et torturés par les gardiens ».
Les migrantes étaient régulièrement violées, a indiqué un témoin masculin décrivant comment « pendant la nuit, les gardes [de Bani Walid] viennent dans l’obscurité avec la torche et s’approchent des femmes, en choisissent une et la violent ». « Ils nous ordonnent de dormir et de nous couvrir avec le matelas pendant qu’ils emmènent la femme », a détaillé le rapport sur la base de témoignages de victimes.
Dans ces conditions, les grossesses sont une conséquence courante des viols. Selon les enquêteurs, des migrantes ont déclaré avoir vu des femmes accoucher en détention sans soutien médical professionnel.
Dans le même temps, les survivantes migrantes sont confrontées à « des difficultés insurmontables » pour accéder à des services de santé sexuelle et reproductive sûrs et adéquats, mais aussi de remédier aux préjudices infligés et aux grossesses et accouchements qui en découlent.
« L’entrée et le séjour irréguliers des migrants étant criminalisés en Libye, les survivantes migrantes risquent d’être poursuivies et sanctionnées si elles s’adressent aux autorités libyennes et aux établissements médicaux ».
Des migrants systématiquement torturés
D’une manière générale, les migrants, en particulier, ont été pris pour cible et il existe des preuves accablantes qu’ils ont été systématiquement torturés. Le rapport indique que la traite, l’asservissement, le travail forcé, l’emprisonnement, l’extorsion et le trafic de migrants vulnérables génèrent des revenus importants pour des individus, des groupes et des institutions publiques, et encouragent la poursuite des violations.
Par ailleurs dans le contexte de la détention, les autorités de l’État et les entités affiliées ont été à plusieurs reprises impliquées dans des violations et des abus. Les détenus ont été régulièrement soumis à la torture, à l’isolement, tenus au secret et privés d’un accès adéquat à l’eau, à la nourriture, aux toilettes, à l’assainissement, à la lumière, à l’exercice, aux soins médicaux, à un avocat et à la communication avec les membres de leur famille.
Face à la poursuite de ces abus, la Mission d’enquête estime que le contrôle de l’immigration par la Libye et les États européens doit être exercé dans le respect de leurs obligations en matière de droit international, en particulier le principe de non-refoulement, et conformément au Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.
Le mandat de la Mission s’achève alors que la situation des droits de l’homme en Libye se détériore et des mesures nécessaires ne sont pas prise « pour faire respecter l’État de droit et unifier le pays sont loin d’être réalisées », indique le rapport.
Crimes de guerre et crimes contre l’humanité
D’autant que dans ce contexte de polarisation, les groupes armés qui ont été impliqués dans des allégations de torture, de détention arbitraire, de traite des êtres humains et de violence sexuelle n’ont toujours pas à répondre de leurs actes.
Plus largement, la Mission s’est déclarée profondément préoccupée par la détérioration de la situation des droits de l’homme dans ce pays, concluant qu’il y a des raisons de penser qu’un large éventail de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ont été commis par les forces de sécurité de l’État et les milices armées.
Selon les enquêteurs onusiens, les pratiques et les schémas de violations flagrantes se poursuivent sans relâche, et il y a peu d’éléments indiquant que des mesures significatives sont prises pour inverser cette trajectoire troublante et offrir un recours aux victimes.
« Il est urgent de rendre des comptes pour mettre fin à cette impunité généralisée », a déclaré Mohamed Auajjar, Président de la Mission, appelant les autorités libyennes à élaborer sans délai un plan d’action en faveur des droits de l’homme et une feuille de route complète sur la justice transitionnelle, et à demander des comptes à tous les responsables des abus.
Pour renforcer l’obligation de rendre compte, le mécanisme de surveillance partagera avec la Cour pénale internationale (CPI), les documents et les conclusions qu’il a recueillis tout au long de son mandat, ainsi que la liste des personnes qu’il a identifiées comme étant des auteurs potentiels de violations des droits de l’homme et de crimes internationaux.
Distribué par African Media Agency pour Onu Info