Hier salués et désormais sur la sellette pour sa gestion de la crise du coronavirus, le président Cyril Ramaphosa et son gouvernement devront rapidement rectifier le tir, voire faire marche arrière sur certaines mesures dans le cadre du confinement imposé jusqu’alors. En effet, la justice sud-africaine a tranché ce mardi 2 juin : « Les mesures promulguées par la ministre de la Coopération et des Affaires traditionnelles », Nkosazana Dlamini-Zuma, « sont déclarées anticonstitutionnelles et invalides », a estimé un juge de Pretoria, saisi par des ONG et un tiers. Le magistrat a toutefois suspendu l’application de sa décision pendant deux semaines afin de laisser au gouvernement le temps de « revoir, amender et republier » les mesures à ses yeux contraires à la loi.
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Des mesures anti-Covid jugées des plus strictes
Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a ordonné le 27 mars à ses 57 millions de concitoyens un confinement destiné à ralentir la propagation du Covid-19, qui, à ce jour, a contaminé plus de 35 000 personnes et tué plus de 700 d’entre elles.
Si elle a permis de ralentir la progression de la maladie, cette mesure a aussi mis l’économie du pays, déjà en récession, au ralenti et a considérablement limité la liberté de mouvement de la population.
Le chef de l’État a progressivement assoupli ce régime strict. Le pays est ainsi passé lundi au niveau d’alerte sanitaire 3 – sur une échelle de 5 – qui autorise notamment le redémarrage progressif de la quasi-totalité des secteurs de l’économie. Son approche prudente a suscité de nombreuses critiques, aussi bien de ses adversaires politiques que de simples citoyens qui la jugent dangereuse pour la survie de l’économie et des libertés individuelles.
Dans le jugement rendu mardi, le magistrat a estimé que toute une série de restrictions imposées aux citoyens, notamment pour assister aux enterrements ou faire du sport, n’étaient « pas rationnellement justifiées par l’objectif de ralentir ou de limiter le taux d’infection par le virus ».
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La justice pourrait s’emballer
Dans un bref communiqué, le gouvernement s’est contenté pour l’heure de « prendre acte » de la décision de justice. En attendant, c’est sur un autre front qu’il devra rapidement réagir, car la justice pourrait s’emballer. Le groupe British American Tobacco (BAT) a annoncé vendredi avoir saisi la justice sud-africaine pour contester l’interdiction des ventes de tabac imposée par le gouvernement dans le cadre de ses mesures contre le nouveau coronavirus. En annonçant la semaine dernière un assouplissement, le président Cyril Ramaphosa a levé l’interdiction des ventes d’alcool, mais maintenu celle des cigarettes « en raison des risques sanitaires liés au tabagisme ».
Cette décision a provoqué la colère des industriels et des commerçants de tabac, qui négocient depuis des semaines un feu vert à la reprise de leurs activités. Numéro 1 du marché sud-africain, la filiale locale du géant BAT (BATSA) a porté vendredi l’affaire devant la justice. « Étant donné la situation et l’absence de réponse, malgré nos sollicitations, du gouvernement, nous engageons une action urgente en justice », a fait savoir un de ses responsables, Johnny Moloto, dans un communiqué.
« Nous devons à nos consommateurs, à nos clients et à nos employés de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger le marché légal du tabac en Afrique du Sud et pour mettre rapidement un terme à la prohibition qui vise nos produits », a poursuivi le dirigeant. BATSA détient 78 % du marché sud-africain de la cigarette et a contribué, à travers les taxes, à hauteur de 13 milliards de rands (670 millions d’euros) au budget de l’État.
Le recours du groupe a reçu le soutien d’autres producteurs, de vendeurs et d’associations de fumeurs, qui affirment que l’interdiction nourrit un juteux trafic de produits de contrebande.
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