La faim est plus que jamais utilisée comme une méthode ou une arme de guerre au Soudan du Sud, a dénoncé mardi la Commission des droits de l’homme dans ce pays, qui note que le conflit brutal qui y sévit a causé des souffrances incalculables à la population civile.
NEW YORK, USA, le 06 Octobre 2020,-/African Media Agency (AMA)/-Selon ce panel d’experts indépendants du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, le conflit sud-soudanais a ainsi entraîné « des niveaux stupéfiants d’insécurité alimentaire aiguë et de malnutrition ».
« Il est tout à fait clair que les forces gouvernementales et d’opposition ont délibérément utilisé la faim des civils comme une méthode de guerre dans ces États, parfois comme un moyen de punir les communautés qui ne s’alignent pas, comme dans le cas de Jonglei », a déclaré la Présidente de la Commission, Yasmin Sooka.
Avec 7,5 millions de Sud-Soudanais nécessitant actuellement une aide humanitaire, les experts onusiens ont constaté que « l’insécurité alimentaire dans les États du Bahr el Ghazal occidental, du Jonglei et de l’Équatoria central est directement liée au conflit et donc presque entièrement induite par l’homme ».
Et dans le premier rapport de ce type établi par un groupe d’experts des Nations Unies, le rapport de 46 pages montre d’ailleurs comment, entre janvier 2017 et novembre 2018, les forces gouvernementales ont déroulé cette politique de la terreur.
Elles ont « intentionnellement privé de ressources essentielles les communautés « Fertit » et « Luo » vivant sous le contrôle de l’opposition dans l’État du Bahr el Ghazal occidental. « Des actes qui équivalent à une punition collective et une stratégie de la famine, comme méthode de guerre », fustige le rapport. Les commandants des forces gouvernementales ont également autorisé leurs soldats à se récompenser en pillant des objets indispensables à la survie de ces populations rurales.
Seule alternative pour les civils, fuir vers d’autres lieux sûrs
La sensation physique de la faim qui en a résulté, n’a laissé finalement « aucune alternative aux civils et les a contraints à fuir vers d’autres lieux sûrs ».
Pour l’équipe de Mme Sooka, ces crimes peuvent être assimilés à des crimes contre l’humanité de déportation ou de transfert forcé, en vertu de l’article 3 (d) du projet de statut de la Cour hybride pour le Soudan du Sud.
D’une manière générale, ces attaques soutenues ont été menées contre de nombreuses villes et villages de l’État du Bahr el Ghazal occidental pendant plusieurs années. Ce qui a entraîné un nombre important de morts, de viols, ainsi que la destruction, l’incendie criminel et le pillage de propriétés.
« L’insécurité alimentaire qui en a résulté a aggravé l’insécurité physique, ne laissant aux civils d’autre choix que de fuir », a regretté un autre expert de la Commission, Andrew Clapham. « Ces violations font partie d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre la population civile dans le Bahr el Ghazal occidental et peuvent constituer des crimes contre l’humanité ».
S’agissant des groupes armés rebelles, les experts onusiens leur reprochent de « refuser arbitrairement l’aide humanitaire aux populations dans le besoin en Équatoria central, y compris en refusant arbitrairement des objets indispensables à leur survie ».
La Commission a d’ailleurs des motifs raisonnables de croire qu’il existe des preuves suffisantes pour demander des comptes aux membres de l’Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition pro-Riek Machar (SPLA-IO (RM)), en vertu des lois internationales et nationales pour les crimes consistant à utiliser « intentionnellement la famine des civils comme méthode de guerre ».
La nouvelle feuille de route pour la justice transitionnelle
Pour les enquêteurs onusiens, cette tactique de la faim comme arme de guerre est le résultat d’une incapacité persistante à s’attaquer aux causes sous-jacentes du conflit. Une situation qui a fini par alimenter « la concurrence politique pour les ressources et la corruption entre les élites politiques, alimentant ainsi les divisions ethniques et la violence.
De tels faits ont alors aggravé « l’impunité dans le pays ». « Sans la mise en œuvre rapide d’un processus de justice transitionnelle inclusif et holistique, tel qu’envisagé dans l’accord de paix, une paix durable pour le Soudan du Sud restera illusoire », a estimé l’expert de la Commission, Barney Afako.
En réponse à ces violations et autres crimes documentées par la Commission au cours de ses cinq mandats, la Commission a également publié mardi un rapport de 44 pages sur la justice transitionnelle. Il s’agit d’un document sur la reddition des comptes, qui vise à servir de feuille de route pour dynamiser la mise en œuvre tardive des engagements clés pris dans le chapitre V de l’accord de paix revitalisé, qui est un pilier essentiel de la transition au Soudan du Sud.
Une façon pour rappeler aux différents acteurs que le conflit sud-soudanais ne devrait plus être « une option si des millions de Sud-Soudanais aspirent à réaliser leur rêve de liberté et de vie dans la dignité. « Seule la mise en œuvre en temps utile d’un processus de justice transitionnelle inclusif et holistique envisagé au chapitre V peut permettre d’y parvenir », ont conclu les experts du Panel indépendant de l’ONU.
Distribué par African Media Agency (AMA) pour ONU Info.