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La fistule obstétricale au Togo, mieux comprendre la prise en charge des victimes

La fistule obstétricale au Togo, mieux comprendre la prise en charge des victimes

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Les femmes victimes de fistules obstétricales sont marginalisées et parfois répudiées par leur mari à cause de leur état de santé. L’on enregistre entre 150 et 250 victimes chaque année au Togo. La seule solution pour remédier à cette pathologie, consiste en une intervention chirurgicale qui peut s’avérer trop couteuse, surtout pour la catégorie de personnes souvent victimes de cette situation. Des solutions sont proposées par les services spécialisés de l’Etat, des ONG et des partenaires au développement, pour venir en aide à cette population marginalisée et vulnérable. Pour en savoir davantage sur la prise en charge des personnes victimes de la fistule obstétricale, M. Pierre SODOGA, Directeur Exécutif de l’ONG Horizon Développement, nous explique les différentes étapes du processus.

EVA : Dites-nous, c’est quoi la FO, et comment survient-elle ?

Pierre SODOGA : La FO est une pathologie qui touche les femmes.  Il s’agit d’une perforation du vagin, de la vessie ou du rectum, suite à un accouchement difficile et ou prolongé, soit dans le cas d’une grossesse précoce, soit dans le cas d’une grossesse tardive, ou une grossesse sans suivi médical. Il existe deux types de fistules : la fistule vésico-vaginale et la fistule vésico-rectale. On parle de fistule vésico-vaginale quand le trou se situe entre la vessie et le vagin. Ce qui provoque une fuite permanente de l’urine par le vagin. Pour la fistule vésico-rectale, c’est quand le trou se situe entre la vessie et le rectum. Dans ce cas, La femme ne contrôle pas les écoulements du rectum. La femme peut être touchée par l’une des deux ou les deux. Le manque de consultation prénatale, ou une césarienne mal faite peuvent aussi causer la FO.

Peut-on dire que la FO est une question de santé publique ?

La FO est une question de santé publique tout comme que le cancer le VIH Sida et les autres maladies. C’est pour cela que le gouvernement togolais et ses partenaires techniques et financiers lui accordent une attention particulière, après avoir mesurer la portée socioéconomique de cette pathologie. Sur le plan social lorsque la femme est touchée par cette lésion elle est stigmatisée, et même quelques fois peut être répudiée par son mari. Sur le plan économique la femme perd toutes ses activités. En 2010, selon l’enquête par grappes à indicateurs multiples, le taux de prévalence était de 0,03, c’est-à-dire 150-250 femmes victimes par an.

Où trouve-t-on les femmes touchées par la FO ?

Les victimes de la FO se retrouvent sur toute l’étendue du territoire, mais beaucoup plus en milieu rural. L’insuffisance ou l’absence de services de soins obstétricaux dans ces milieux, est l’un des facteurs. La région des plateaux est l’une des régions qui compte le plus de cas de femmes souffrant de la FO. La région Maritime compte aussi des cas malgré la proximité et la disponibilité des services. Ces femmes sont souvent cachées, et il est difficile de leur assurer une prise en charge. Aujourd’hui, grâce aux émissions radiophoniques et aux campagnes de sensibilisation, nous arrivons à les toucher.

Comment se fait la prise en charge ?

En 2010, le Président de la République a rendu gratuit la prise en charge de la FO grâce à la Campagne pour l’accélération de la Réduction de la Mortalité Maternelle en Afrique (CARMMA), initiée par l’Union africaine. Le plan stratégique de la CARMMA, définit les conditions de prise en charge des cas, dans le sens de la protection de la santé maternelle. Cette prise en charge se fait à deux niveaux : au niveau médical, et au niveau économique. La prise en charge médicale consiste en une intervention chirurgicale, appelée « réparation ». Elle consiste à réparer soit le rectum, soit le vagin et la vessie, selon qu’il s’agisse d’une fistule vésico-vaginale, ou d’une fistule vésico-rectale. Le coût réel de l’intervention chirurgicale est d’environ 250 000f Cfa par patiente. Ce que la plupart des victimes ne peuvent pas payer. Grâce à la contribution de l’Etat et celle d’autres partenaires tels que Wildaf-Togo, des campagnes sont mises en place et les victimes accueillies dans des centres appropriés.

La prise en charge économique quant à elle consiste à la réinsertion sociale des patientes, lorsque la réparation est attestée. On leur remet un kit pour mener une activité génératrice de revenus (AGR).

Qu’advient-il après la chirurgie ?

Six mois après l’intervention chirurgicale, un test de guérison est fait pour contrôler le succès ou non de l’intervention. Il arrive que, pour certaines patientes, les interventions n’aient de succès qu’après plusieurs tentatives. Nous avons connu une dame qui a été guéri seulement après la huitième intervention. Ceci est dû à une prise en charge tardive. Pour bénéficier d’un accompagnement à la réinsertion socioéconomique, les patientes sont examinées par les spécialistes de la FO, qui déclarent leur guérison complète.

En quoi consiste cette réinsertion socio-économique ?

C’est l’ultime phase de la prise en charge des personnes victimes de la FO. Elle est assurée par le Ministère de l’action sociale, de la promotion de la femme et de l’alphabétisation. Les femmes guéries reçoivent un appui financier visant à renforcer leur AGR et c’est aussi à cette étape qu’intervient notre ONG. Nous nous occupons donc de l’achat des équipements et des autres intrants dont les bénéficiaires ont besoin. Bref, les bénéficiaires de cet accompagnement ne reçoivent pas directement les fonds. Pour cette année, la remise des équipements se fera le dernier vendredi de septembre.

Quels sont les partenaires qui interviennent dans cette prise en charge ?

Au niveau de l’Etat, c’est le Ministère de la santé, à travers la Division de la Santé Maternelle et Infantile et de la Planification Familiale (DSMI/PF), et le Ministère de l’action sociale de la promotion de la femme et de l’alphabétisation. Les autres sont les  partenaires techniques et financiers dont le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), Christian Blind Mission (CBM), les amis de l’Hôpital de Saint Jean de Dieu d’Afagnan. Des ONG à l’instar de Wildaf-Togo dont Horizon et Développement est membre.

Quelles sont les difficultés rencontrées dans la prise en charge de la FO ?

La principale difficulté est celle du financement. Les budgets alloués aux campagnes sont de moins en moins suffisants aussi bien pour la sensibilisation, la prise en charge médicale que pour l’accompagnement à l’insertion des victimes, et plus loin le suivi. L’insuffisance des ressources financières impactent aussi l’actualisation des données. L’on note aussi le désistement des patientes dans le processus de prise en charge par peur de rejet.

Propos recueillis par Yempabe LAMBONI

Source: Ecovisionafrik

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